Derrière le faste des processions, des hommes ou des femmes vivent leur foi intensément. L’histoire a marqué les confréries corses sans réussir à les détruire. Elles restent présentes pour seconder les prêtres et donner aux grands rituels la dimension attendue par la foule.
Des hommes marchent en silence, en prière ou en chanson. Certains peinent à porter les lourdes croix de procession, ornées et parées pour l’occasion, d’autres ne portent rien mais soutiennent de leur prière ou de leur voix cette marche solennelle. Derrière suit le prieur, son bâton à la main. Il ferme le cortège tel un berger qui veille sur ses brebis. La foule, aux vêtements hétéroclites qui tranchent avec l’uniformité des tenues de confrères, forme le corps de la procession. Le prêtre, lorsqu’il y en a un, ouvre cette marche pieuse après en avoir rappelé les enjeux spirituels.
Ainsi vont les processions en Corse, depuis longtemps. Si longtemps qu’il est impossible de dater précisément la naissance des confréries. Les archives bien que riches et nombreuses ne remontent pas aux origines de ce phénomène répendu dans tout le bassin méditerranéen.
Ces sociétés d’hommes et de femmes influencées par la spiritualité franciscaine, se sont créées autour d’une dévotion, de perceptions altruistes et d’un souci de solidarité. Ce sont essentiellement des rassemblements de laïcs qui s’organisent autour d’un culte. Autant le concile de Trente (1545-1563), on note l’existence de confréries de Pénitents indépendants du clergé, des confréries Corpus Domini qui constituent une sorte de garde d’honneur autour du prêtre et de l’hostie consacrée, d’autres sont liées à la dévotion d’un saint, enfin les confréries du luminaire sont chargées de l’entretien du Maitre-autel. Les confréries de Pénitents sont les plus organisées, elles ont des statuts précis et perdurent après le Concile de Trente ;
Réaction à la Réforme protestante, le Concile de Trente pose les bases de la Contre Réforme catholique. Et pour faire face aux doctrines protestantes qui séduisent de nombreux chrétiens, il prône l’union de toutes les forces. Le temps de vivre sa foi de son côté est révolu.
Il existe une solidarité et une égalité totale entre tous les confrères. Ainsi le plus pauvre peut devenir prieur au même titre que les autres. Elles ne peuvent exister que si une communauté villageoise est constituée, elles veillent alors à une plus grande égalité. Car outre la dévotion qui est primordiale, les confréries sont les garantes d’une aide apportée au mourant, de la prise en charge des funérailles et des messes dîtes pour le repos de l’âme. Les confréries agissent en quelques sortes comme des mutuelles de la mort et c’est la dimension qui dominera lorsqu’elle renaîtront au XIX e siècle après leur interdiction en 1790. Pendant l’interdiction certaines confréries parviennent à survivre, beaucoup en revanche disparaitront. Puis une laïcisation des mœurs, le dépeuplement et l’apparition d’autres structures villageoises conduisent à une désaffection progressive. Dans le renouveau actuel des confréries, la dimension caritative et la solidarité auprès des malades ont souvent disparu. Certaines portent le nom de confréries, mais sont en réalité un regroupement de chantres qui forment un chœur.
Aujourd’hui en dehors du faste des processions la vie spirituelle de certaines confréries ne semble pas exister. Pis encore, elles sont parfois en conflit ouvert avec les prêtres des paroisses qu’elles jugent trop réticents aux rîtes anciens.
Bientôt Pâques toute la Corse se prépare, Sartène, Calvi et un peu de partout……
Pour maintenir le caractère sacré du rite, il faut parfois savoir refuser les écarts et résister à la tentation du folklore. Les confréries sont parfois victime du succès de la polyphonie Certains ont reconstitué l’Office de Ténèbres et l’ont transformé en concert que l’on donne devant un public. La théâtralité des rîtes ne doit pas faire oublier que le moteur principal n’est autre que la foi.