La Castagniccia domine au nord de la Plaine Orientale. Imaginez une route en corniche, tout en lacets, qui domine la mer Tyrrhénienne. Au loin la silhouette des îles toscanes, toutes proches. L’arrière pays, lui, est un océan de verdure.
Cette région, constituée par un massif compact entrecoupé de profonds ravins, offre des paysages étonnants. De nombreux villages viennent agrémenter l’arrête à chaque épaulement de la montagne. Ils paraissent près les uns des autres, à portée de voix même, et pourtant certains sont distants de plus d’une heure de marche en empruntant les sentiers et les chemins escarpés. Ces montagnes escarpées magnifiques ont inspirés le trail Via romana qui a lieu tous les ans fin juillet et compte trois distances différentes.
Dans cette région de la Castagniccia les maisons ont été construites avec un schiste grossier, les toits couverts de lauze. D’un côté elles surplombent des à-pics impressionnants, de l’autre, elles se blottissent les unes contre les autres le long de l’unique rue étroite. Là encore, fontaines et rigoles agrémentent le paysage. Si on peut trouver ces villages tristes, il suffit de remarquer les campaniles gracieux, d’un style pisan ou baroque. Chaque village en possède un, bien en évidence, dépassant des maisons, et ce sont eux, grâce aux nuances ocres de la pierre, aux volutes et aux cannelures élégantes qui viennent ajouter une note artistique dans ce paysage.
La Castagniccia fut longtemps la région la plus peuplée de toute l’île. C’est là que vous découvrirez le plus grand nombre d’édifices artistiques ou historiques intéressants qui confèrent à cette contrée une âme particulière. PORTA possède le plus beau des campaniles. Une dizaine d’églises et chapelles de cimetières conservent des fresques du XVème siècle, saisissantes de naïveté et de réalisme (Sermano, Favalello, Valle-Di-Campolorao, Castello-Di-Rotino etc….), mises à jour à partir des années 60.
Histoire de La Castagniccia
Au milieu du XVIIIème siècle, période de grand soulèvement contre Gênes et de la Guerre d’Indépendance, cette contrée, difficilement pénétrable fut le théâtre de la Résistance. Les monastères, en particulier celui de Valle-d’Alesani et celui d’Orezza, furent des lieux de résistance (cachée) à l’occupant.
On a pu parler, en Corse, d’une « civilisation de la châtaigne ». Au XVIIème siècle, la République de Gêne favorisa la plantation, dans sa colonie insulaire, d’arbres dits » des cinq espèces » : figuier, mûrier, olivier, vigne et châtaignier. Les avantages offerts aux planteurs allant jusqu’à des remises de peine pour les Corses condamnés même pour des motifs graves.
A Orezza, village connu surtout pour ses sources minérales, des juristes et des théologiens corses délièrent les citoyens corses des serments d’allégeance qu’ils auraient pu donner à la République de Gênes( Avril 1731). En janvier 1735, une autre consulte(assemblée de délégués de toutes les « pièves ») proclama l’Indépendance de la Corse et plaça son peuple sous la protection de la Très Sainte Vierge Marie; le « Dio Vi Salve Regina » devenait l’hymne National. Pascal Paoli, futur « Père de la Patrie » qui n’avait que 10 ans était un natif de la Castagniccia. Sa maison familiale de Morosaglia est devenue un musée et le but d’un pèlerinage patriotique. Après avoir été inhumés à Westminster (honneur perfide des Anglais, chez qui Paoli, en disgrâce s’était réfugié) les restes du héros furent, en 1889, celés sous une dalle, dans une pièce de sa maison, aménagée en chapelle. Parmi les souvenirs exposés, on remarque deux fanions de soie blanche, frappés de l’énigmatique tête de Maure, emblème de la Corse : l’un porte les signes de l’esclavage, avant Paoli; l’autre, avec le ruban relevé, et sans anneau, date de la « libération Paoliste ».
Le couvent d’Alesani, lui, s’inscrit dans l’histoire de la Corse en avril 1736, avec l’aventure du » roi Théodore ». Les insulaires, désespérés par la longueur de la lutte qu’ils soutenaient contre la République de Gênes, se seraient donnés au diable pour obtenir leur liberté. Ils se donnèrent à Thédore De Neuhoff, originaire de Westphalie, aventurier de vocation, sans beaucoup d’envergure et sans moyens, et pourtant sincère dans son désir de jouer le Sauveur de la Corse. Il se fit proclamer « roi » sous le nom de Théodore 1er, par les représentants des « pièves » réunis d’urgence à Alesani. Son règne ne dura que quelques mois. Parti quémander du secours, ce roi ne revint pas….. C’était l’époque où vivait dans cette même vallée, un personnage mi-bouffon, mi-philosophe, dont la sagesse, caractéristique de l’esprit corse, est devenue proverbiale : difforme, misérable, colporteur de son état, faisant la leçon aux méchants et aux grands, il se faisait appeler « Minuto ; ayant pris de l’embonpoint avec l’âge, il devint pour son public, Minuto Grosso. Sa maison existe encore à Perelli-Di-Alesani.
La Castagniccia, pays de la Châtaigne
Castagniccia doit son nom à la Châtaigne car c’est véritablement le « Pays de la Châtaigne ». Dans les vallons, au sommet des monts, le châtaignier règne en maître. Sa silhouette robuste offre une ombre rassurante ; elle est restée liée à l’histoire de la Corse. Les feuilles ovales et dentelées du « castagnu » s’accompagnent début juillet de longs chatons de fleurs jaunes, qui, à l’automne cèdent la place à des bogues épineuses contenant les fruits lisses. Le sol de la Corse et son climat aux étés longs et chauds, permettent d’importantes récoltes qui servent surtout à la fabrication de farine mais aussi à la nourriture des cochons qui en sont friands.
La châtaigne fut pour l’île « le pain d’aujourd’hui et le pain de demain », le « pain de l’été et le pain de l’hiver », ou encore « le pain de bois » que l’on accompagnait de « vin de pierre » (l’eau du rocher).
Une visite au musée de « Prunelli » vous aidera à comprendre beaucoup mieux que tous les écrits et descriptions orales, la vie des Corse d’autrefois et la place primordiale qu’occupait la châtaigne dans leur vie quotidienne.
C’est vers le 10 Octobre que commence la cueillette des châtaignes. A l’aide d’une petite fourche à 3 dents, la « ruspula », le ramasseur fouille les feuilles. Il choisit d’abord les châtaignes hors de leur bogue, puis celles qui sont encore enveloppées dans leur carapace épineuse qu’il fend d’un coup sec du dos de son outil. Les fruits sont jetés dans un panier ventru, puis versés dans de grands sacs que l’on chargera , encore de nos jours parfois, à dos d’âne. Parfois ils sont laissés aussi laissés à sécher sur place durant quelques semaines dans des silos de pierres sèches. A la ferme, les châtaignes sont étalées dans un grenier situé au-dessus du » fucone » (foyer) placé lui-même au milieu de la salle commune. Espacées d’une distance d’un doigt, les lattes du plancher de ces séchoirs laissent passer la chaleur et la fumée du feu, entretenu jour et nuit avec du bois de châtaignier. Retournées deux à trois fois par semaine, pendant presqu’un mois, les châtaignes sèchent uniformément. On les « bat » ensuite dans des sacs de toile ou de peau de porc, pour en détacher la peau coriace ; on les passe au four tiède, puis on les « bat » encore une fois, pour en ôter la dernière et fine pellicule. Elles sont alors triées : les plus molles sont consommées telles quelles, les autres, transportées au moulin, sont destinées à la farine.
La châtaigneraie a vécu une période de déclin. Oubliée comme source nourricière (sauf aux temps douloureux des deux guerres mondiales), exploitée uniquement pour son tanin, elle se mourrait. Il fallut attendre la mise en œuvre des plans économiques de rénovation de la Corse pour voir se développer, à partir de 1975 environ, un sauvetage de la forêt de châtaignier. Une association «A Rustaghja », la société pour la mise en valeur agricole de la Corse, le Parc Naturel Régional, des syndicats de propriétaires et d’exploitants de châtaigniers, ont alors agi ensemble en vue de préserver, de rénover, de rentabiliser ce verger absolument unique en Europe. De plus en plus de famille de nos jours possèdent et exploitent un petit lopin de châtaigneraie et produisent leur propre farine au label AOC.
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