Villages corses : Corse profonde
Dominant la mer ou le maquis, la plupart des villages corses anciens sont haut perchés, comme celui d’ Evisa, situé à l’orée de la forêt d’Aïtone. C’est de ces hautes maisons bien plantées, serrées les unes contre les autres, que l’envahisseur ou simplement l’étranger, pouvait être vite repéré.
Partez à la rencontre de ces villages. Certains vont paraîtront austères, déserts, inhospitaliers; d’autres charmants, accueillants mais aucun ne vous laissera indifférents, tous méritent qu’on s’attarde dans leurs ruelles. Souvent, la première impression négative ressentie vous paraîtra injustifiée.
En Corse du Sud, toutes les maisons traditionnelles sont en granit, moellons plus ou moins grossiers selon les régions. Dans les hameaux les plus hauts, la technique de la pierre sèche a été appliquée avec bonheur jusqu’à un passé récent, aussi bien pour la maison familiale que pour la bergerie de montagne. Cette technique leur conservant une solidité à l’épreuve des siècles. Il fallait que le foyer ancestral (a casa), soit construit pour durer. Aussi une structure cubique bien enrochée à flan de coteau était édifiée. Une très vaste salle commune, avec au centre l’emplacement du « fucon » (dalle où brûlait le feu), accueillait la famille et, tout autour, sur plusieurs niveaux, se situaient les chambres, nombreuse, petites et sobres, destinées aux familles, nombreuses à cette époque.
Les murs, vierges de toute décoration (pas de crépi non plus), ne présentent dans cette architecture rude et utilitaire, que ces escaliers ou perrons extérieurs reposant souvent sur une voûte, seules notes décoratives. Quant aux ouvertures, elles restent pour la plupart, petites, étroites, inégales, souvent closes par des volets en bois plein, le plus souvent tirés. Dans certaines régions, des persiennes viennent remplacer les contrevents, réservés eux au rez de chaussée des maisons. Il fallait se protéger du soleil et préserver ainsi la fraîcheur des maisons, aussi les ouvertures des étages supérieurs étaient munies de « guichets » laissant passer la lumière la journée, la fraîcheur le soir. La proximité de ces hautes bâtisses séparées par une ruelle étroite permettait aux villageois de se parler d’une maison à l’autre à travers ces volets.
Ces hautes façades impressionnantes de 4 à 5 étages, dominant la vallée accentuent l’aspect de forteresse de la maison patriarcale; car c’était bien le patriarche, le « chef de clan » qui régnait derrière ces murs.
La ville de Sartène aussi doit sa particularité au fait qu’elle est littéralement accrochée à la montagne reste « la plus Corse des villes corses » (Prosper Mérimée). Il fallait palier à l’étroitesse du terrain en bâtissant de très hautes maisons, bien soudées les unes aux autres, le mur pignon d’une construction servant d’appui à la maison mitoyenne. Il arrivait que ces ruelles étroites deviennent le théâtre de querelles entre familles du village ou entre clans, le moindre différent étant prétexte à sortir le fusil. A longueur de veillées, de génération en génération, nombre de familles se nourrissaient de vengeances (la vendetta) contre d’autres familles voisines ou même parentes. Ce phénomène pour soit disant « sauver l’honneur » engendra de funèbres palmarès aussi bien en Corse du Sud qu’en Haute Corse. Mais le danger pouvait venir de plus loin, c’est pour cette raison que la plupart des villages des Hautes Vallées paraissent comme des nids d’aigle inaccessibles.
Des escaliers, toujours des escaliers….. S’ils occupent une place de premier plan dans l’architecture des villages, ils sont présents dans les relations sociales : en effet, c’est sur la première marche d’accès à la demeure que le visiteur s’annonce en interpelant le maître ou la maîtresse de maison, la porte restant , par beau temps, toujours ouverte.
Les marches elles-mêmes ont une âme, une histoire. La plupart, soigneusement empierrées, sont tranchées dans ces ruelles pentues, évitant ainsi aux eaux de raviner le sol tout en facilitant le chemin. Dans les ruelles plus larges, les marches sont plus longues et de faible hauteur. Ces « pas d’ânes » permettaient aux animaux, chargés, de gravir les pentes escarpées.
Si vous vous baladez dans les ruelles de Bonifacio, ne manquez pas de « jeter un coup d’œil » discret sur les escaliers, à l’intérieur de certaines hautes bâtisses. Vous ne verrez jamais ailleurs ces drôles de marches en quinconce construites de toute évidence pour faciliter l’accès aux étages en empruntant ces « dénivelés » impressionnants.
A une altitude moyenne, les villages paraissent moins farouches et mystérieux. Des routes en balcon (Lévie, Pila, Canale, Vico….) suivent le moutonnement des collines jusqu’à la mer. Leur structure urbaine est plus ouverte que dans les vallées profondes de l’intérieur de la Corse. Les maisons n’occupent qu’un côté des rues; elles présentent des proportions plus modestes et sont mieux finies (chaux ou peinture), parfois une décoration florale venant égayer les façades. Ici la route n’est pas une impasse, l’affluence des touristes l’été et des familles venant du continent, celle aussi des commerçants ambulants, ajoutent de la vie à ces villages. Placées souvent à l’entrée ou sur une placette au centre, les fontaines sont prétextes aux rencontres, aux bavardages. On s’y rencontre en remplissant des seaux ou les bouteilles de l’eau qui servira à la consommation des familles. On y rencontre encore des animaux (ânes). En fin d’après-midi, lorsque la chaleur s’apaise, les habitants viennent goûter, sur les petites places ombragées, à la douceur du jour qui décline. On peut surprendre aussi fréquemment, les « anciennes » assises sur un muret, tricotant et bavardant, une fois achevées les tâches domestiques. Elles sont encore vêtues de noir. Dans les temps plus anciens, leurs vêtements étaient très colorés, la couleur la plus sombre, le bleu, étant réservée au deuil. C’est avec la guerre 14-18 que le noir s’est généralisé.
Loger dans une chambre d’hôte à Sartène